L’Encyclo des Actifs Naturels
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La forêt, quelle perception du grand public ?
Quel forestier, après avoir répondu à la question d’usage sur sa profession, n’a pas vu les yeux de son interlocuteur s’écarquiller trahissant sa stupeur ? Est-ce un vrai métier ? Travaillez-vous donc à l’ONF ? Etes-vous bûcheron ? Les forêts peuvent appartenir à des propriétaires privés ? 75 % le sont ?
Enfin, si cette avalanche de découvertes n’a pas découragé votre auditoire, émerge la question aux soupçons à peine dissimulés, mais pourquoi faire ? Couper des arbres, notamment. Voici la réponse qui vient également souvent couper court à la conversation.
Ces quelques phrases illustrent à elles seules l’état d’information du grand public en matière de forêt et pourtant, selon un sondage VivaVoice/ONF de 2021, 40 % des Français se rendent au moins une fois par mois en forêt.
De tout temps les forêts ont été le siège de mythes et d’histoires légendaires, la bête du Gévaudan y rodait, les fées et lutins se jouaient des promeneurs à Brocéliande et pour ajouter un soupçon de spiritualité, elles furent un haut lieu de l’ermitage et du druidisme. Leur vaste étendue, la solitude, les sous-bois impénétrables et sombres créant de véritables labyrinthes, le bruissement des branches sous le vent confèrent même à ces lieux un atout de taille pour y abandonner ses enfants pour Charles Perrault.
Mais alors pourquoi ces bois présentés dans les contes comme si inhospitaliers, sont si chers au cœur des Français ? Notre instinct primaire ne devrait-il pas nous encourager à les éviter ?
Forêt de la Brûlerie - France Valley - Eure-et-Loir
La forêt, mère nourricière de nos civilisations
La forêt est tout d’abord la mère nourricière de nos civilisations quand les forêts recouvraient la presque totalité du territoire national, nos ancêtres chassaient et cueillaient exclusivement en ces lieux. Plus tard, le bétail y paissait nourri notamment par les feuilles de frêne. Il n’est donc pas surprenant que plusieurs essences forestières portent des noms vernaculaires évocateurs comme l’arbre à pain pour le châtaignier, qui a permis la subsistance des populations dans certaines localités il y a moins d’un siècle. Son objectif nourricier a peu à peu décliné à la faveur du développement de l’agriculture, mais reste la première et la plus longue source d’alimentation de l’histoire de notre civilisation.
La forêt, siège de luttes
La propriété forestière et son exploitation font également écho à l’histoire française avec, dès l’ancien régime, une propriété concentrée dans les mains de la noblesse qui octroyait aux paysans des droits coutumiers (cueillette de bois de chauffe, chasse…) limités, mais indispensables à leur subsistance. Ces droits, régulièrement remis en cause au fil des siècles, ont abouti à des luttes profondes et parfois violentes :
- La révolte des laboureurs dans le Morvan de 1848 qui s’opposaient à l'appropriation de forêts par des nobles et des bourgeois, qui limitaient leur accès aux ressources forestières. Ce mouvement était guidé par les idéaux de la Révolution de 1848, prônant l'égalité et les droits des travailleurs.
- En 1850, émerge le conflit des « Brigands de la Forêt » : des paysans du Jura se sont rebellés contre les restrictions imposées par les propriétaires terriens. Ces "brigands" étaient souvent des villageois qui se livraient à des actions de sabotage contre les propriétaires forestiers, cherchant à récupérer leur droit d'usage sur les terres qu'ils considéraient comme appartenant à leur communauté.
La notion de bien commun n’est donc pas nouvelle !
La forêt et l'Art
L’imaginaire collectif autour de la forêt s’est également construit par les artistes romantiques empreints de mélancolie à l’image de Lamartine et Rousseau qui y voyaient un symbole de beauté sauvage, de mystère et d’évasion. Mais aussi pour Claude Monet qui entendait, par ses séries de peintures en forêt de Fontainebleau à différentes saisons, capturer la fugacité de la nature. Il s’agit des prémices de la forêt comme sujet de contemplation, qui ne s’est pas dissipé avec le temps bien au contraire, puisqu’il s’agit aujourd’hui du principal usage pour l’essentiel de la population.
Une naturalité trompeuse ?
Quoi de plus naturel qu’une forêt ? Il s’agit pour beaucoup du degré ultime de la naturalité semée par une généreuse poignée de mère nature. Le temps forestier étant par nature lent, le grand public ne peut deviner que des opérations ont régulièrement lieu en forêt et que le faciès même d’une forêt est issu du travail de plusieurs générations de forestiers pour répondre aux besoins de la société. Si nous réalisions un sondage auprès du plus grand nombre et que nous leur demandions de choisir la forêt, parmi ces deux illustrations, dans laquelle ils préféreraient se promener, il y a fort à parier que la majorité se prononcerait en faveur de la seconde, qui présente pourtant un degré de naturalité bien moindre :
Ce sont donc indéniablement les Hommes, qui par leur sylviculture, ont facilité la pénétration et indirectement les activités récréatives en leur sein. La facilité de cheminement est justement un critère, volontairement simpliste, qui permet de juger du caractère écologique d’une forêt. Plus la déambulation est aisée moins elle héberge de diversité. Les échanges que nous avons régulièrement avec les locaux sont assez révélateurs de ce paradoxe. Ils s’inquiètent le plus souvent de voir apparaître des branches à terre dans nos forêts, reliquats des exploitations, des arbres morts et dépérissants et l’apparition de « broussailles », tout cela dans l’unique but d’améliorer les capacités d’accueil des milieux. Depuis que vous êtes propriétaires, la forêt est mal entretenue ! Intéressante réflexion : la forêt et par extension la nature doivent-elles donc être entretenues pour répondre à l’image que je me fais d’elles ?
Revenons à nos images et imaginez-vous dans la première forêt. Que vous inspire-t-elle ? Je la trouve pour ma part, bien que mon œil forestier me joue parfois des tours, inquiétante. Elle illustre parfaitement le caractère hostile qu’elle peut parfois revêtir dans un mauvais film d’horreur. On imagine aisément une bête dangereuse tapie à l’arrière, prête à nous sauter à la gorge. Il est vrai que la seconde image invite quant à elle davantage à la contemplation des pouvoirs de la nature. Oui mais pas seulement, ne devrions-nous pas également la contempler pour l’œuvre de dizaines de générations de forestiers qui se sont succédées et dont les actions ont permis ce résultat ? A l’image d’une église pluriséculaire, construite par l’homme grâce aux matériaux créés par les éléments.
Dès lors, une question se pose avec la sylviculture à couvert continu, que nous prônons et qui est bien plus acceptée socialement par son absence de coupe rase, mais dont les préceptes visent justement à une désorganisation contrôlée de la forêt. Dans ce mode de gestion, les épaisses zones de régénération impénétrables, côtoient des bouquets de baliveaux dominés par quelques arbres de place qui tutoient les astres. Il n’est pas certain qu’en l’absence d’une communication destinée au grand public, cette gestion emporte l’adhésion de tous pour les aspects récréatifs et contemplatifs.
L'arbre, un être à part ?
Le maïs, est un végétal tout comme l’arbre qui, lorsque sa maturité arrivant, est récolté sans qu’aucun de nous ne s’en émeuve. Le cycle plus lent de la croissance de l’arbre et donc de sa récolte, ne peut à lui seul justifier de son caractère sacré.
L’anthropomorphisme autour de l’arbre peut en grande partie expliquer cela. Le succès planétaire du livre « La vie secrète des arbres » de Peter Wohlleben, qui sur bien des aspects scientifiques peut être critiquable, donne par la personnification une clé de compréhension des forêts au plus grand nombre, en est le parfait exemple.
Arrive l’automne, les dernières forces allouées par les mois chauds de l’année s’amenuisent, il reste tout juste aux arbres la force de terminer la maturation de leur descendance avant que les glands ne se décrochent et tombent au sol. Plusieurs mois de maturation après, dans ce milieu humide et nourricier, recouvert de feuilles mortes les protégeant à l’image du ventre maternel, certains prendront vie, d’autres non. Ces jeunes chênes grandiront ensemble et verront croître une nouvelle génération, toujours à l’ombre de leurs parents. Certains s’émanciperont très vite de la tutelle parentale à la faveur d’une ouverture dans la canopée alors que d’autres resteront presque immobiles, bloquant leur croissance sous l’ombre portée par les houppiers des géniteurs.
Il est assez aisé de continuer cette allégorie et trouver pour chaque étape de nos existences des équivalences forestières.
La forêt demain ?
La forêt a toujours été le reflet de nos besoins par le passé. Comment va-t-elle donc évoluer quand l’essentiel des usagers lui octroie aujourd’hui seulement un intérêt contemplatif ? Le risque n’est pas nul que les forêts productrices de bois disparaissent et la sylviculture avec. Grand paradoxe à l’heure où les forêts subissent les affres du réchauffement climatique, nécessitant une gestion très dynamique pour limiter ses conséquences quand la demande en bois de la société explose pour se substituer aux matériaux peu durables.
Cela ne doit toutefois pas être pour les forestiers le prétexte à toutes les opérations et l’absence de considération des usagers sous peine de creuser encore un peu plus le fossé de l’incompréhension. Nous sommes convaincus qu’une sylviculture respectueuse des usagers et de la biodiversité est possible ! Mon souhait est d’éprouver toujours la même fierté de travailler dans des forêts, fruits de la sylviculture de nos aïeuls, en espérant que mes petits-enfants ressentiront la même chose !
Et vous, souhaitez-vous contribuer à préserver cet héritage tout en donnant du sens à votre épargne ?
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